Rencontre avec Cœur de sable dans la lutte contre le cancer du sein

Photo by Gabriel Aguirre

C’est avec son mari Stéphane Grandadam chirurgien, qu’Aurélie Grandadam a fondé l’association Cœur des sables. Dans le Bas-Rhin, Cœur de sables a pour vocation d’améliorer le quotidien des femmes touchée par le cancer et plus particulièrement le cancer du sein. Je retrouve Aurélie autour d’un café. Ce qui marque quand on rencontre Aurélie, c’est qu’elle a le « shen* » qui fleuri aux yeux. Le visage s’ouvre avec un grand sourire qui ne disparait que rarement. On peut dire d’Aurélie qu’elle a un regard sensible, teinté d’inquiétude mais qui pétille dans le désir d’agir. C’est une femme déterminée, chef d’entreprise qui a participé à des marathons et c’est aussi une femme gourmande de vie et de ressentis.

Shiatsu EqiLibre : Aurélie, tu as fait appel à moi pour faire bénéficier aux femmes souffrant d’un cancer du sein de séances de shiatsu. Mais avant tout, parle-moi de l’association : comment es-tu arrivée à fonder Cœur des sables ?

Aurèlie Grandadam : Cds a été créé en 2014 avec mon mari qui partait d’un constat assez simple dans son métier de chirurgien. Il constatait rapidement que les personnes qui étaient sous chimiothérapie, avaient des effets secondaires qui étaient parfois très lourds et difficiles à gérer. Face à ces effets secondaires, il n’y avait pas forcément de solutions. Avant cela, mon mari et moi avions été marqués par le décès d’un parents atteint d’un cancer. C’est à ce moment-là que nous nous sommes rendu compte que le corps médical et la famille sont importants mais qu’ils ont leurs limites et qu’il manquait une troisième personne dans ce parcours-là. Cette troisième personne, ce sont les soins de supports qu’on propose. On a commencé doucement en 2014 en essayant d’abord de faire connaître l’association. Pour cela, on a compris qu’il fallait se greffer à des évènements. Mon mari a participé au marathon des sables* d’où le nom de l’association, (* 250 km en autosuffisance dans le désert marocain) pour récolter des fonds pour les premières actions. Cela nous a permis à la clinique Sainte Anne de Strasbourg d’améliorer le confort des personnes qui venaient prendre leur chimiothérapie. Entre autres, Il n’y avait pas de distributeurs de boisson ni de support audiovisuel. On a pu mettre à disposition des tablettes et financer un écran de télévision et tout un tas de petites choses qui permettent d’améliorer le séjour des patients.

SE : CDS défend une conception basée entre autres sur les rencontres autour d’évènements sportifs.

AG : Oui. Rapidement l’association s’est fait connaitre, notamment chez les organisateurs de la course contre le cancer du sein de la ville de Haguenau « la Haguenovienne » qui ont fait appel à nous pour utiliser les fonds. Cela nous a permis de mettre en place des ateliers de soins de support sur la ville de Haguenau. Ça a fait boule de neige et cela fait maintenant 3 ans qu’on est partenaire de la ville de Seltz et de sa course contre cancer du sein « Go Saletio ». On y organise aussi les soins de supports. La prochaine étape, c’est la ville de Wissembourg avec qui on va créer un partenariat.

SE Derrière CDS, il y a une équipe. L’échange humain, c’est ta philosophie ?

AG : Complétement ! C’est de remettre l’humain au cœur de tout. C’est plus qu’une philosophie, c’est une vision. C’est d’ailleurs comme ça que je vois les entreprises…

SE : …tu mets ça en parallèle avec le coté parfois déshumanisé de l’hôpital ?…

AG : … Tout à fait ! l’organisation à l’hôpital n’est pas simple, on se fait enregistrer, on reçoit un ticket…On passe d ‘un endroit à un autre pour la facturation … On est des numéros. Quand on est dans un parcours de soin type chimiothérapie, radiothérapie où c’est déjà dur d’encaisser la nouvelle, c’est compliqué de supporter tous les à-côtés. Si à un moment donné, il n’y a pas quelqu’un d’humain qui est là à vos côtés et qui vous prend en charge, ça ne va pas…ce n’est plus possible.

SE : On ressent chez les femmes qui souffre d’un cancer du sein leur vulnérabilité mais aussi leur force. Une des membres de l’association m’a dit quand elle parle de sa maladie, « c’est se battre contre et se battre pour… » ça t’inspire quoi ?

AG : … Pour le coup, elle visualise bien les deux côtés de la pièce, côté pile et côté face. On se bat probablement pour soi d’abord mais aussi pour les autres et on se bat contre la maladie. Ce qu’il y a de plus complexe avec le cancer du sein, c’est qu’il touche vraiment la féminité. Souvent il y a une mastectomie qui nous enlève une part de ce qui fait de nous une femme. Il y a une notion de reconstruction mais reconstruire quoi ? Qu’est ce qui a été détruit ? Le champ lexical est important dans cette pathologie. Les mots de cette femme sont révélateurs…

SE : … Oui, ce sont des mots qui marquent et qui nous font ressentir tout ce qu’il y a derrière. Même quand on est un praticien homme on remarque cette altération de l’image qu’elles ont d’elle-même.

AG : Beaucoup de femme font référence à des « warrior », à des guerrières. Ce sont des mots de guerre qui montrent l’intensité de ce qu’elles vivent.

SE : L’association met aussi en place des ateliers support de soin pour les membres de l’association. Quelle place leur accordes-tu ?

AG : C’est indispensable ! Cela représente 90% du budget qui est alloué aux soins de support. Dans notre association, il n’y a que les thérapeutes qui sont rémunérés. Mon mari et moi, les coordinatrices font cela bénévolement. Ce que nous voulons, c’est pouvoir accompagner chaque femme là où elle en est face à la maladie. Qu’elle puisse se dire si elle n’a pas pour le moment de cours de diététique, ce n’est pas grave car au sein de l’association et dans ce que je suis en train de vivre, j’ai plus besoin de shiatsu ou de sophrologie par exemple car c’est ça qui va vraiment m’aider. D’où la diversité des activités proposées.

SE : Ce ne doit pas être facile dans évaluer l’impact ?

AG : Bien sûr car c’est subjectif et on est dans l’émotionnel. Pour moi si tu veux, l’impact je l’évalue dans ce que me rapportent ces femmes. Je me souviens d’une femme qui est venue me voir en me disant, heureusement qu’on était là car sinon elle n’aurait pas réussi à dépasser ce qu’elle a traversée. Dans ces moments-là, je me dis « ok ! » Il faut continuer. Il faut continuer et se battre et trouver toujours plus de financements et plus de temps. Ce qui implique de ne pas compter ses week-ends. Mais quand tu as ne serait-ce qu’une personne qui revient te voir et dis, heureusement que vous étiez là et que ça m’a aidé et bien, ça comble tout le reste et ça compense tout.

SE : Les spécialistes en shiatsu ont à cœur de s’impliquer dans l’accompagnement des personnes. C’est notre raison d’être. Cœur Des Sables collabore avec des praticiens reconnus dans leur domaine. Pourquoi est-ce important d’avoir des praticiens professionnels de leur métier ?

AG : C’est indispensable car c’est un vrai rempart contre toutes les pratiques néfastes que pourraient rencontrer les femmes qui sont de fait en état de faiblesse. Elles sont confrontées à une problématique qu’est leur maladie. Elles peuvent aller rapidement vers des pratiques qui ne sont pas cadrées mais où on leurs ferait miroiter une solution miracle. Avoir dans l’association des thérapeutes reconnus, permet de cadrer les activités et derrière, on assure qu’elles puissent bénéficier d’activités sans risque. On évite clairement les dérives. Il en est de même pour le pass sanitaire qui est une obligation légale et l’association n’est pas au-dessus des lois. Au-delà, il s’agit de protéger au mieux ces femmes. Ce que nous attendons des thérapeutes, c’est du professionnalisme mais avant tout de l’humanité.

SE : Il y a un site internet pour cœur des sables (https://www.coeurdessables.fr/) Qu’est-ce qu’on va y trouver ?

AG : Les informations complètes sur l’association pour nous contacter et voir les action mises en place. On est plus actifs sur Facebook où l’on peut suivre l’activité quasi-quotidienne de l’association. https://www.facebook.com/coeurdessables67

SE : Pour finir. Aurélie qu’elle est ton souvenir le plus marquant humainement dans l’association ?

AG : Il y en a plein mais je me souviens particulièrement d’une année où les membres de l’association s’étaient toutes mobilisés pour une fête. Chacune avait participé à sa manière pour vivre ce moment ensemble. C’est la première fois où j’ai pu ressentir l’impact que l’association avait sur la vie des femmes. Nous n’étions pas très nombreuses à l’époque mais toutes exprimaient leur gratitude envers l’association et l’année qu’elles avaient vécues ensemble. Certaines qui vivaient une récidive ont dit « maintenant vous êtes là et ça change tout ! Je suis accompagnée alors qu’à l’époque ce n’était pas le cas ». Des souvenirs j’en ai plein et j’attends avec impatience le marathon où je vais les accompagner. Je pense que ça va être mémorable !Je quitte Aurélie accompagné d’un sentiment de gratitude de me faire participer à cette aventure. Aurélie est à l’image de son association ou inversement. Active et généreuse, elle est à la recherche de ce qui est le mieux pour les femmes qui ont un cancer du sein. On peut dire de Cœur des sables que c’est aussi Cœur de Femmes.

Sylvain Pissochet Spécialiste en shiatsu.

*SHEN : Partie la plus subtile de l’Homme. Son objectif est de s’incarner dans une forme pour y vivre et mener à terme un « projet ». Le Shen se manifeste par : volonté et désir de vivre, La vivacité de Shen se reflète dans l’éclat du regard.

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